Parfois le matin, il suffisait d'un simple regard par la fenêtre pour que Nate sente que sa journée allait être de celle où il préférerait rester au lit plutôt que de poser un seul pied dehors. Il n'y avait pas vraiment d'explication à cela. Une intuition. Un cauchemar qu'il avait fait dans la nuit et dont les traces étouffantes hantaient encore son subconscient. Ou simplement, une flemme phénoménale, qu'il n'avait jamais cherché à guérir.

Nate n'avait tout simplement pas envie de bouger.

Il était dix heures  - d'après son réveil acheté il y a trois jours puisqu'il avait tendance à malheureusement arriver en retard à tout ses cours - et le jeune homme ruminait encore de sombres pensées assis milieu de son lit, la couette enroulée autour de son corps, dernier rempart entre le cruel monde extérieur et celui du sommeil. Nate n'avait pas pris ce genre de temps pour lui depuis son entrée à l'université, tout simplement parce qu'il ne voulait pas rater de cours, mais aujourd'hui il n'avait qu'une heure de littérature étrangère, autant dire qu'il pouvait s'en passer. Il fixait le mur devant lui, se demandant ce qu'il pourrait y accrocher pour qu'il est l'air moins nu, lorsqu'une voix bien trop forte le fit sursauter.

Merde.

Nate était arrivé depuis plusieurs semaines déjà, mais il ne s'était pas fait tant d'amis que ça. Peut être parce qu'il avait tenu à privilégier ses cours, et son travail de bénévole à la réserve avant de s'occuper de sa vie sociale. Cela dit, il y avait deux personnes connaissant le numéro de sa chambre. Lilo, un étudiant en philosophie avec qui il avait tout de suite eu envie de sympathiser mais qui n'était assurément pas du genre à venir le tirer du lit aux aurores - en fait, Lilo devait être du genre à dormir jusqu'à midi, c'était presque certain - et Jilhian. Jilhian qui avait cette voix chantante et toujours de bonne humeur. Jilhian qui pouvait faire des phrases de deux kilomètres de long sans reprendre sa respiration et qui se foutait bien de savoir si il avait ou non envie de sortir de sa chambre aujourd'hui. Jilhian qui venait à présent de rentrer dans son tout petit espace et qui avait un énorme sourire collé sur le visage, le genre de sourire qui ne réservait rien de bon à la tranquillité de Nate.

« ça va ? Tu ne réponds pas… j’ai cru que …. » Nate lui jeta un regard assassin par derrière sa couette à présent relevé jusqu'au dessus de sa chevelure bouclée mais la jeune fille était déjà passé à autre chose. « …que tu dormais ! Allez, on bouge, on mange à la cafet', je te raconte ma vie, tu me racontes la tienne et on se trouve un truc du tonnerre à faire ensuite ! » Avec un grognement digne du tigre dont Nate s'occupait de nettoyer l'enclos tout les samedi après midi, il repoussa la couette. Il n'y avait aucun moyen d'essayer de faire changer d'avis Jilhian, d'autant plus qu'elle avait fait tout le chemin jusqu'à l'université pour lui.

Il se leva péniblement, montrant bien sa mauvaise volonté et attrapa sa valise qu'il n'avait pas encore terminé de vider pour y repêcher son dernier jean slim propre et un t-shirt blanc. « J'espère au moins que tu as des trucs intéressants à me raconter sinon je t'en voudrais pour le restant de tes jours... » Jetant un coup d'oeil par dessus son épaule il sourit à la jeune fille et lui tira la langue. Aussi étrange que cela puisse paraître, l'arrivée impromptue de Jilhian dans sa chambre ne dérangeait plus tant que ça Nate, il se sentait même revigoré, près à faire n'importe quelle connerie tant que cela l'empêcherait de penser à des choses déprimantes, comme il en avait l'intention à peine trois minutes plus tôt. « Si tu pouvais te retourner deux secondes, je suis pas sure que tu résistes à la vision de mon corps nu et magnifiquement déployé sous le soleil matinal. » Cela dit, il s'habilla rapidement - s'offrant une minute de bataille avec son jean qui était décidément un peu trop serré - avant d'aller rabattre la couette sur son lit et de faire mine de pleurer tragiquement. « Excuse moi mon lit d'amour, Sorcière Jilhian a décidé de me faire parler de gré ou de force, je te retrouve ce soir mon ange. »


Il se retourna vers son amie et lui dévoila ses fossettes avec une ironie évidente. « Tu sais ou est la cafèt' au moins toi ? » Sans attendre sa réponse, qui devait de toute façon être négative puisque Jilhian n'était même pas étudiante, il l'entraîna dehors. Les couloirs étaient vides à cette heure, la plupart des pensionnaires étant en cours et Nate se retourna vers la jeune fille avec une moue digne d'un enfant de 4 ans. « Tu te rends compte que j'avais décidé de rester au lit toute la journée et que tu as débarqué comme une briseuse de rêve dans mon bien être... » Tout en parlant, il tentait de mettre de l'ordre dans ses cheveux totalement ébouriffés, et regretta de ne pas avoir pris de bandana. Il était destiné à avoir une crinière de lion pour le restant de la journée.

En poussant la porte de la cafétéria, Nate se rendit compte qu'il avait affreusement faim, et que l'odeur de café chaud qui flottait là était la dernière chose dont il avait besoin pour être totalement de bonne humeur. Il poussa Jilhian vers une table près de la fenêtre, marmonnant qu'il allait ramener à manger et attrapa un plateau avant de le remplir de tout ce qu'il trouvait. Lorsqu'il revint vers la jeune fille, il lui décocha un grand sourire. « Voilaaa, libre service princesse. Par contre si j'étais toi je prendrais juste la pomme et je me laisserais le reste, il faudrait pas que tu t'engraisses inutilement. » Il s'assit enfin et attrapa une brioche, avec un grand soupir de satisfaction.

Un coup d'oeil par la grande baie vitrée et il constata qu'il faisait terriblement beau dehors. Comment avait il pu imaginer une seule seconde rester à se morfondre tout seul dans sa chambre ? En fait, il était content de l'arrivée en fanfare de Jilhian, bien qu'il ne le lui avouerait jamais.

C O D E © W H A T S E R N A M E .

Nate repoussa à nouveau ses cheveux qui lui tombaient dans les yeux, et posa sa brioche entamée pour mordre dans une banane. Il avait l'impression de ne pas avoir mangé depuis des jours, ce qui n'était absolument pas le cas... D'ailleurs, il faudrait qu'il pense à faire attention et se freiner un peu sur les portions, car il allait finir par avoir l'apparence d'un pachyderme. Il se souvenait avoir entendu parler d'une salle de sport... Après tout, il avait du temps à perdre, il pourrait toujours s'inscrire.

Concentrant à nouveau son attention sur Jilhian qui observait la cafétéria avec un air satisfait, il s'autorisa un sourire moqueur.   «  Toi ? Avoir horreur de ne rien faire ? Attends, on parle bien de la même personne là ? Jilhian la pire flemmarde que je connaisse ?  » Bien sur, il y avait cette lueur malicieuse dans ses yeux verts qui ne tromperait personne. De eux deux, il était certain que Jilhian dépensait beaucoup plus de calories dans une journée que lui. Elle était tout simplement le genre de fille à  ne pas pouvoir rester en place plus d'une heure, et c'est vrai qu'il avait bien du mal à l'imaginer dans une salle de cours. Il reprit néanmoins, un peu plus sérieux. « Franchement, ça ne me dérange pas de devoir suivre des cours, et puis je n'en ai pas tant que ça. Comme je suis spécialisé en photographie, j'ai énormément de temps libre pour rendre mes projets...  » Il se perdit un instant dans la contemplation de sa banane à moitié terminé, se demandant si justement, il ne pourrait pas faire une maquette portant sur la faune et la flore de la région... A moins que ce ne soit trop évident comme thème ? Il était presque certain que ce que les professeurs privilégieraient serait l'originalité, et il ne voulait pas perdre des chances d'obtenir son diplôme à cause de son manque d'imagination. Surtout pas.

Avec un petit sourire, il attrapa le verre de jus de fruit de Jilhian et y trempa ses lèvres avant d'en avaler une gorgée. « Je suis pas sur que parler de moi soit super intéressant... Je n'ai rien fait depuis la dernière fois qu'on s'est vu. Et puis j'ai pas mal de travail et tout, alors on va dire que traîner dehors n'ai pas trop dans mon programme pour le moment.  » Il fit la grimace parce qu'il fallait avouer que cette partie de sa vie lui manquait horriblement. Lorsqu'il était encore Londres, il avait l'habitude de sortir au moins deux fois par semaine, que ce soit en boîte ou simplement chez des amis. Le problème est qu'il ne connaissait presque personne ici, et qu'aller se bourrer la gueule seul n'était pas franchement enchantant. Il se mordilla la lèvre et plongea à nouveau son regard dans celui, malicieux, de Jilhian. « Le seul truc qui pourrait t'intéresser à la rigueur c'est que je me suis fait un ami. Et il plutôt mignon. » Il roula des sourcils de façon exagéré. Une des premières choses qu'il avait appris sur Jilhian était qu'elle se savait charmante et qu'elle en jouait, sans pour autant que cela devienne vulgaire. Il l'aimait beaucoup pour ça, peut être parce qu'il se comportait à peu près de la même façon. A vrai dire, il n'était même pas bon pour draguer, mais il avait ce qu'on pouvait appeler, une façon d'être qui séduisait sans qu'il ait besoin d'en faire trop, si bien qu'il était facile pour lui d'avoir ce qu'il voulait. Il n'avait jamais cherché à être en couple avec quelqu'un, et il supposait que Jilhian aimait sa liberté tout comme lui.

Il enroula ses longs doigts autour du verre et le repoussa vers elle en plissant comiquement des yeux, comme pour sonder son esprit. «  Mais attends, il me semble t'avoir entendu parler de " tes folles histoires amoureuses " tout à l'heure... Est ce que tu rencontres des gens sans même m'en avertir ? C'est mesquin... Je pensais être ton conseiller numéro un en matière d'amour.  » Il lui décocha un large sourire, celui qui faisait ressortir sa fossette et un instant il se mit à penser à sa sœur. C'était exactement le genre de conversation qu'ils tenaient tout les deux, à la différence que Nate jouait au frère protecteur et aimait faire passer un ' test d'admission ' à chacun des petits amis qu'elle lui présentait. Un instant, les yeux du jeune homme se voilèrent, et il les baissa, cherchant un biscuit au chocolat sur le plateau. Lorsqu'il releva son regard, il avait repris son air tranquille et se remit à sourire, attendant patiemment que Jilhian se confie.

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