Être de garde le soir ne me gêne pas. Je n'ai rien de particulier à faire de mes soirées. Personne qui m'attend. Ni quoique ce soit dans ce genre. Même s'il est vrai qu'au final, je suis rarement seul. Je rattrape le temps perdu. Je renoue quelques liens délaissé. Mais rien qui ne me fasse bouder mon métier. Et puis c'était une bonne chose. Je ne veux pas être trop proche des autres. Le jour où je vais repartir, cela sera trop dur. Je me sais incapable de tenir la distance. Je ne peux qu'apporter une pause dans ma longue absence. Mais un jour, viendra ce jour où les choses reprendront leurs cours. Et si mes proches l'acceptent moi, je n'accepte l'idée de laisser plus de monde. J'ai besoin d'avoir assez de distance pour que mon cœur ne se brise pas. L'armée est une famille. Ma famille, certes. Cela dit, rien ne remplace ceux que notre cœur choisit d'aimer éperdument.

L'amour, cette chose que je n'envisage même pas. Que je ne veux plus envisager. J'ai donné. J'ai souffert. J'ai été plus bas que terre. Cela me suffit bien. On pourra me dire que les hommes ne sont pas tous les mêmes, là n'est pas le problème. Le problème c'est que je n'aime pas la fille que je suis. Cette amoureuse sans limite. Je ne suis pas prête à donner cela à qui que ce soit. Quand bien même un bel espagnol pourrait me plaire. Quand bien même son sourire ravageur me ferait tourner la tête. Je ne baisserai pas les armes.

Je sais que je suis de garde avec Milo. Ce qui est plutôt une bonne chose. C'est un gars bien. Comme beaucoup de soldat certes. Mais lui, c'est assez cool de travailler avec. Et même en tant que personne. Je veux dire, il pourrait être mon grand-frère. C'est assez étrange de penser cela. Mais il y a un petit quelque chose entre lui et moi. Rien qui ne s'apparente à de la séduction de près ou de loin. On s'apprécie simplement, je crois.

J'entre dans les bureaux. Cafés et biscuits en main. Je vous promets que pour surveiller des caméras c'est nécessaire. Du moins le café. Après les biscuits traditionnels, c'est maman. Elle doit croire qu'il m'affame à l'armée. Elle passe son temps à me préparer à manger depuis mon retour. Je crois qu'en fait c'est sa façon de contenir son amour. Milo me fait un simple signe de la tête avant de se concentrer à nouveau. Je ne sais pas s'il st d mauvais poil ou simplement concentré. Quoiqu'il en soit, je ne lui en tiens pas rigueur. « Du café et des biscuits ? Je t'en supplie aide moi, je mangerai pas cela seule... ». Je lui lance un sourire amusé avant de rapidement poser mon regard sur les écrans. Il est vrai que je préfère être en activité, bouger. Mais les caméras nous facilite la tâche. A tel point que parfois j'ai l'impression qu'il ne peut rien se passer. Ce qui est un piège évidemment. C'est pour ça que même si je tente de guetter Milo du coin de l’œil, je reste concentrée.

Le sourire qui se dessine au coin de ses lèvres me fait du bien. C'est une personne que j'apprécie. Et le fait qu'il laisse un instant son air concentré est une bonne chose. Je le sens moins tendu. Et puis c'est un peu comme une garantie que la garde se passera bien. Je lui propose des biscuits. J'en ai bien trop pour moi. Et puis ça me fait plaisir. « Non, ça va aller je te remercie… ». Je fais une moue presque suppliante. Bien sûr j'en rajoute un peu. « Tu veux vraiment pas m'aider ? ». On dirait sans doute une petite fille dans l'instant. Mais ça m'amuse. D'autant que Milo est plus âgé que moi. Un peu. Mais peut-être suffisamment pour qu'il me considère encore comme une gamine. Comme beaucoup de mes supérieurs. Là, je le fais exprès. Ce n'est pas si grave. « Si mes fesses ne tiennent plus sur cette chaise, je te considérerai comme responsable, d'accord ? ». Je plaisante. Je sais que je ne vais pas tout manger. Et quand bien même, avec les exercices qu'on fait, je n'aurais pas le temps de prendre des fesses. Même si ce soir je dois garder mes fesses sur cette chaise.

En se recentrant tous les deux, le silence s'imposa. Il était presque de trop. Il n'y avait rien à voir. Rien à faire. Et ce silence assommait cette idée. « Tout semble correct.». Je suis soulagée de l'entendre parler. J'aurais pu le faire. Mais j'ai peur de l'embêter. Là au moins, j'ai l'assurance que non. Et tant mieux. « Trop correct... non pas que c'est pas une bonne chose mais j'aurais envie d'un peu d'action. ». Je n'y peux rien, je vis à l'adrénaline. Même quand ça me traîne dans la savane avec un collègue blessé. Je vis pour l'action. Et c'est certain que ce n'est pas la garde la plus passionnante du monde. «  T'as fait quoi aujourd'hui ? ». La réponse à cette question m'intéresse bien plus que ce qui se passe sur les caméras. Parce que je me soucie de Milo. Un peu malgré moi. Mais je l'apprécie. Malgré tout, je garde un œil sur les écrans.