curiosity is rarely a good thing

Alejandro A. Reina et Lauren F. Abbott

«Peut importe à quel point vous luttez... Vous tombez. Et c’est terrifiant... Si ce n’est qu’il y un bon coté à cette chute libre, c’est une chance que vous donnez à vos amis de vous rattraper ! » (grey's anatomy) ✻✻✻ Fin de journée au dispensaire. Et tandis que tes pas te menaient de couloirs en couloirs, de patients en patients, t’arrêtant quelques instants auprès de chacun dans un premier temps pour évaluer leur état actuel mais aussi et surtout pour tenter d’être une présence rassurante auprès d’eux, – parfois il ne suffisait que d’un sourire, que d’une main posée sur un bras pour tout changer – tu ne pus t’empêcher de penser… Penser à tout ce qui avait changé depuis ton arrivée au centre, il y a six mois de cela. Tu te rappelais encore les premiers pas hésitants que tu avais fait ici, ayant peur par-dessus tout de faire quelque chose de travers, d’agir en décalage avec la culture de ce pays mais aujourd’hui, toutes ces peurs, toutes ces hésitations te semblaient bien loin… Tu avais l’impression d’avoir réussi à te faire une place. En tous les cas, l’Afrique du Sud avait pris une place dans ton cœur. C’est maintenant avec naturel que tu te déplaçais dans le centre, accomplissant ton devoir professionnel, parfois allant chercher du matériel, d’autres fois préparant une opération ou allant faire une réfection de pansements. Et tu te sentais bien, tu exerçais dans la confiance, avec une certaine liberté, avec des confrères de ta profession mais également d’autres professions que tu respectais et que tu admirais… Tu pouvais affirmer sans beaucoup d’hésitation, sans te tromper qu’aujourd’hui, tu ne te voyais réellement pas être autre part qu’ici… Non pas que ce que tu vivais à Johannesburg surpassait tout ce que tu avais déjà vécu au Sénégal par exemple mais également au Vietnam ou encore au Japon mais au jour d’aujourd’hui, tu te sentais à ta place, tu te sentais être au bon endroit, au bon moment et c’était un sentiment très plaisant… Même plus : épanouissant. Et petit à petit, tu avais aussi l’impression de te trouver, de découvrir et de construire la nouvelle Lauren, celle que le tsunami de l’an 2004 avait à tout jamais changée… Celle que la catastrophe avait brisée en mille morceaux, morceaux qui pour certains avaient disparus à tout jamais avec la vague mais qui pour d’autres devaient être ramassés à la petite cuillère pour te reconstruire… Pour avoir l’impression de redevenir quelqu’un de vivante… Pas seulement quelqu’un dans la survie. Et ce processus était long. Long, fatiguant et fastidieux. Nombre de fois avais-tu eu envie d’abandonner, de baisser les bras, de te décourager mais c’était comme une force extérieure à toi-même te forçait à sans cesse te relever, te relever et aller de l’avant. Te comporter en guerrière. Et tu savais que sans aucun doute, ta famille, de là-haut y était pour quelque chose. Et petit à petit, tu t’étais surprise à sourire de nouveau, d’un sourire sincère et franc, pas de ce sourire de façade, de ce sourire faux que tu usais précédemment pour faire illusion. Tu avais l’impression de renaître. Et être au contact de toutes ces cultures différentes y était sans aucun doute pour quelque chose… La foi qui était en toi sans que tu ne puisses réellement ni l’expliquer ni mettre de mots dessus également… Sans aucuns doutes les vestiges de l’éducation chrétienne que tu as reçue… Le temps l’avait faite s’effriter mais tu savais que l’étincelle était toujours là… au fond de toi. C’est sans doute pour ça que tu espérais sans cesse, sans relâche. Et avant même d’espérer pour toi-même, tu espérais pour tes proches. Tu espérais qu’ils soient tous réunis dans ce que tout le monde appelait le « paradis ». Tu les espérais heureux et bien entendu tu espérais les rejoindre un jour. Retrouver les êtres qui t’étaient les plus chers. Retrouver ces parents à qui tu devais tout, retrouver ta sœur également, ta sœur que tu avais tellement admiré, celle qui avais toujours été là pour toi, celle que tu considérais comme un modèle et puis aussi retrouver ton petit frère, celui que tu t’étais juré un jour de protéger, celui envers qui tu as l’impression d’avoir failli, d’avoir failli à ta promesse, à ta mission…

Chassant toutes ces pensées de ton esprit afin de te concentrer sur l’instant présent, tu pénétrais dans la chambre d’une petite fille qui avait été opérée le jour même et qui avait besoin de rester quelques jours en observation afin de s’assurer que tout rentrait dans l’ordre. Tu la trouvais entrain de pleurer, essayant de ne rien montrer mais les sanglots difficilement étouffés trahirent la situation. Tu t’approchais doucement avant de venir t’assoir tout près d’elle et de prendre ses petites mains dans unes des tiennes. De l’autre tu vins caresser sa joue et sécher ses larmes. Une idée te vint subitement en tête et même si elle te semblait folle, tu ne la chassais pas… Tu décidais même de la mettre en application. Tu te mis alors à chantonner une chanson que l’on t’avait apprise au Sénégal. Petit à petit, tu sentis la petite se calmer, son rythme cardiaque redescendre avant qu’elle ne gagne les bras de Morphée… Tu restais là quelques instants, un sourire aux lèvres avant de dégager doucement tes mains et de sortir de la chambre, l’impression du devoir accompli. Tu écrivis sur les dossiers toutes tes transmissions avant de rejoindre une des salles de pause. Là, assis devant un poste d’ordinateur tu reconnus Alejandro. Tu t’apprêtais à faire connaître ta présence avant de te raviser, comme si tu avais senti au fond de toi l’ambiance pesante qui régnait dans la pièce… Alejandro était quelqu’un que tu appréciais énormément. Au fil du temps et en réalité, très rapidement, tu lui avais fait confiance, lui proposant même de t’accompagner sur certains soins afin qu’ils puissent les faire… Tu aimais la joie qui se lisait alors sur son visage… Tu avais l’impression qu’il regrettait ses études de médecine qu’il avait quittées… Te rapprochant sans faire un seul bruit, ta curiosité fut trop grande et même si tu savais qu’il ne fallait pas, tes yeux se posèrent sur l’écran  et tu parvins à lire quelques phrases… Il ne t’en fallut pas plus pour comprendre ce que contenais cet article : des espoirs quant à l’avancée d’une ‘enquête’ sur un crash d’avion… Des tas de questions commencèrent à te monter dans la tête, des questions que jamais, tu le savais, tu n’oserais poser à Alejandro et alors que tu te disais qu’il valait mieux que tu partes d’ici tout de suite, sans te faire remarquer, comme si de rien n’était, tu vis Alejandro se retourner, après avoir fermé la page internet, ayant sans doute senti ta présence…

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