5 février 2005. Elle était dans sa quinzième année quand sa petite sœur est née. Bien qu’ayant eu une vie assez monotone, on peut dire qu’à partir de cette date, la vie de Carey a changé. Avant cet heureux événement, elle a toujours connu un cadre familial tout ce qui a de plus normal avec un père, une mère et un petit frère de quatre ans de moins qu’elle. Maman ne travaillait pas et s’occupait de la maison et de ses enfants. Elles étaient très proches, d’ailleurs elles le sont toujours. Carey a tendance à dire que sa meilleure amie, c’est sa mère. Quand elle était plus jeune, elle a eu une meilleure amie, elles habitaient l’une en face de l’autre, étaient à l’école ensemble. Et puis elle est partie, elle a déménagé. Elles ont gardé contact quelques temps. Aujourd’hui, leur relation se résume à un message pour leur anniversaire et encore. Quand elle y pense aujourd’hui, même pendant les meilleurs moments qu’elles ont passé ensemble, c’était faux. Carey n’a jamais réussi à être aussi proche d’une autre personne que sa mère. Et elle n’y arrivera peut-être jamais. Son père travaillait en tant qu’électricien avant de reprendre ses études pour gagner mieux. Il n’a jamais été très présent et s’il faisait des efforts pour passer du temps avec ses enfants, Carey ne l’a jamais remarqué. Il reste néanmoins une personne très importante pour elle. Un an et demi après la naissance de sa petite sœur, la vie de famille qu’elle connaissait a basculé. Ses parents se sont séparés. Elle était loin d’être naïve, beaucoup de ses camarades de classe avaient des parents divorcés, mais c’était plus fort qu’elle : ses parents ne pouvaient pas mettre fin à leur relation. Carey a eu beaucoup de mal à l’accepter, surtout qu’elle était dans une période de sa vie où elle se sentait mal dans sa peau. Anorexie, boulimie, scarifications, ses conneries ont duré trois ans, ses conneries se sont arrêtées le jour où elle l’a rencontré.

11 mars 2009. Le divorce de ses parents avait été prononcé l’année de l’obtention de son A-Level, elle avait dix-huit. Elle comptait continuer ses études mais sa mère n’avait pas les moyens et son père s’occupait plus de lui-même que des autres à cette époque. Et Carey se mentirait à elle-même si elle disait que ça ne l’arrangeait pas. Alors elle a commencé à travailler dans un fastfood début 2009. Fastfood où il travaillait aussi, pour payer ses études. Il n’était pas très beau et peu sûr de lui mais ce soir-là, quand il lui a demandé la permission de l’embrasser, elle est littéralement tombée sous son charme. Avec lui, tout était différent, vraiment. Elle avait pour habitude de prendre la fuite au bout de quelques semaines de relation, mettant ça sur le fait qu’elle avait peur de s’engager. Et c’était sans doute le cas, parce qu’elle lui a fait le même coup. Trois semaines après leur premier rendez-vous, elle l’a quitté, de la pire des manières possible, prétextant une connerie comme d’habitude. Elle n’a pourtant pas arrêté de penser à lui, elle ne pouvait tout simplement pas renoncer à lui comme aux autres. Et son désir de le revoir, de le serrer dans ses bras, de sentir ses mains sur elle, a été plus fort que sa peur. Elle n’avait jamais ressenti une telle chose pour aucun autre garçon. Le ressentira-t-elle encore un jour ? Elle l’a toujours dit et elle le dira toujours, ce jeune homme lui a sauvé la vie. Il s’est insinué en elle comme le fait un tatouage, elle l’avait dans la peau. Elle a arrêté ses conneries, lui promettant de ne plus se faire de mal. Chaque fois qu’une mauvaise pensée lui traversait l’esprit, il lui suffisait de se rappeler de cette promesse pour les balayer d’un seul coup. Six ans plus tard, rien n’avait changé. Il était prof, elle enchaînait les petits boulots et ils avaient déménagé, loin de la mésentente des parents de Carey. Elle avait même décidé de reprendre ses études trois ans plus tôt. Et rien de tout ça ne serait arrivé sans lui, sans son aide et sans son amour inconditionnel pour elle.

13 décembre 2014. C’est la troisième date qui a marqué la vie de Carey, le jour de son départ pour l’Afrique du Sud. Pour tout vous dire, partir a été la plus difficile des décisions qu’elle n’ait jamais prise. Tout allait pourtant bien dans le meilleur des mondes, elle avait trouvé un travail dans un institut pour s’occuper de personnes sourdes et muettes, ils commençaient tout doucement à parler d’acheter une maison. Bref, un quotidien banal de couple banal. C’était peut-être ça l’ombre au tableau, la petite touche de tristesse qu’elle n’arrivait pas effacé. Tout était routine. D’aussi loin qu’elle pouvait se souvenir, sa vie avait toujours été monocorde, limite ennuyeuse par rapport à tous ses romans dont elle s’entichait. Au fond d’elle, Carey avait besoin de plus. De plus de quoi ? En fait, elle n’en savait rien, mais sa vie l’oppressait, elle avait besoin de rêver sans quoi elle craquerait. Et plus elle rêvait, plus elle s’attristait. Un jour, elle décida de lui en parler. Elle voulait changer d’air, faire des trucs de fous, laisser sa trace dans le monde, ne plus être comme tous ces robots de la société, elle voulait faire tout ça avec lui. Il l’aimait, oh mon dieu il l’aimait comme un fou, mais il n’arrivait pas à la comprendre. Pour lui, leur vie était parfaite, il n’y avait pas besoin de changement. Il a essayé de la convaincre, de la retenir mais en vain. Elle aurait voulu rester, mais si elle le faisait, elle creuserait sa propre tombe. Alors elle lui a dit qu’elle l’aimerait pour le reste de sa vie, qu’elle était désolée du mal qu’elle lui faisait et elle est partie. Elle n’avait jamais ressenti autant de chagrin de toute sa vie. Elle se sentait vide sans lui, elle se haïssait d’avoir été si égoïste et de le faire souffrir dans l’espoir d’être plus heureuse. Elle pensait qu’avec le temps, la douleur et son absence s’estomperait. Mais quelle idiote avait-elle été d’y songer. Aujourd’hui, enfin elle respire mais ce trou dans sa poitrine ne fait que grandir.