Elle se tenait là, princesse égarée qui n'était finalement jamais parvenu à trouver la place qu'elle désirait dans la vie de celui qu'elle ne quittait pas des yeux. Elle qui se tenait face à lui, tandis qu'il restait assis sur ce lit, à la fixer sans un mot, sans la moindre parole qui aurait pu adoucir la scène qui se déroulait à présent. "Pourquoi... ? Pourquoi tu veux pas Em' ? Je suis laide c'est ça ?" s'exclama-t-elle en s'approchant de l'endroit où il restait figé, l'endroit sur lequel il se tenait assis, après l'avoir purement et simplement repoussée. Lui qui s'allongeait pour quelques billets venait de lui dire non, pour la simple et bonne raison qu'il avait conscience des sentiments qu'elle ressentait pour lui, et qu'il s'arrangeait pour ne jamais faire intervenir les émotions dans ce qu'il considérait comme son travail. "Tu veux que je te paie ? Ça t'aiderait de les voir sur la table basse pendant que tu me baiseras ?" s'exclama-t-elle furieuse, tandis qu'elle s'approchait, contournait le lit pour déposer ces foutus billets, tandis qu'il se passait une main dans les cheveux. "Arrête. Tu sais très bien que c'est pas la question." "Bien sûr que si. Maintenant que je t'ai payé, déshabille toi et fais-moi l'amour Emershan. Maintenant." ordonna-t-elle en revenant vers lui, elle qui faisait parti de ses amis.

Elle qui semblait vouloir étreindre une étoile en s'agrippant à un vulgaire réverbère, et il tentait de lui en faire prendre conscience. "Tu veux pas ça. T'as jamais eu envie de ça. Je t'aime pas. J'aime personne. Ça serait que du toc quand tu voudrais du vrai." laissa-t-il filer de ses lèvres cette vérité brutale, brûlante, qui ne voulait rien dire d'autre que ce qu'elle était. Aussi la scrutait-il sans esquisser l'ombre d'un geste, toujours aussi immobile à l'exception de ses prunelles qui suivaient celle qui se trouvait à présent à nouveau face à lui et qui tendit une main qu'il intercepta avant qu'elle n'atteigne son visage. "Reprends ton fric et fous le camp. Je n'ai rien d'un petit ami fidèle, on me paie pour coucher, pour faire semblant le temps de quelques heures, mais rien n'est vrai. Et il n'y a rien entre nous." lui balança-t-il pour tenter de la faire fuir, tandis qu'il rejetait son poignet... Parce qu'il ne l'aimait pas, pas comme elle l'aurait désiré, espéré. Il ne mentait pas lorsqu'il affirmait n'aimer personne, d'autant plus qu'il ne cherchait pas à s'attacher ainsi. Franchement, qui voudrait un gigolo pour petit ami si ce n'est une fille assez paumée pour jeter quelques billets sur une table basse pour avoir le droit de coucher avec lui ? Personne. Personne... Il n'était pas l'exemple même de celui qui s'implique dans une histoire, bien au contraire. Seule sa famille trouvait grâce à ses yeux. Sa cadette qui s'occupait de leur mère et de la benjamine, tandis que lui-même fournissait le gros de l'argent nécessaire à tout ce qui allait avec les soins de leur mère, mais également du loyer, pour ne pas vivre dans la misère.

Il avait simplement continué à déambuler dans les rues de la ville qui l'avait vu naître, sans qu'il n'ait jamais connu la famille de sa génitrice, ces êtres trop riches pour accepter que leur fille épouse un vulgaire militaire, ceux qui n'avaient jamais levé le petit doigt pour elle... pour eux... qui l'avait laissé dans l'obligation de faire ce qu'il faisait toujours. Pragmatique, il avait compris la nécessité d'avoir cet argent, le côté plaisir qu'il tirait de certains de ses clients, quand d'autres n'étaient que des comptes en banque ambulant. Mais jamais il ne cherchait à s'attacher... c'était dangereux de jouer à ce petit jeu. Dangereux de s'éprendre de quelqu'un... Alors il veillait à ne coucher qu'avec ses clients, ainsi qu'à s'éloigner des êtres dont il devenait trop proches. Et à présent, voilà qu'elle se tenait ici, incapable d'admettre qu'elle ne pourrait jamais avoir une parcelle de lui quand d'autres y parvenaient en allongeant simplement la monnaie. La respiration trop rapide, elle leva un instant les yeux au ciel, fermant les paupières comme pour s'accrocher à un mirage. "Alors donne-moi du faux. Je préfère ça au vide. Aime-moi pour de faux..." souffla-t-elle en s'agenouillant face à lui, se retrouvant plus basse que lui, à le supplier du regard. Mais il semblait encore hésiter, attendre d'autres affirmations qui vinrent brûler ses lèvres. "Je sais que sans argent rien n'existera... que c'est comme une pièce de théâtre, et je paie pour y participer." ajouta-t-elle ainsi, tandis qu'il tendait finalement une main pour ébaucher sa joue, l'effleurer, tout en s'inclinant pour venir cueillir ses lèvres et y souffler... "Puisque tu paies." A peine un murmure égaré pour qu'elle ait bien conscience que c'était éphémère, que cela ne comptait pas. Ne compterait jamais. Qu'elle n'était plus qu'une cliente parmi d'autres, tandis que son autre main retirait son propre tee-shirt qu'il faisait passer par-dessus sa tête. Déjà, elle laissait ses doigts effleurer son torse, avant de le pousser sur le lit, ses lèvres s'abreuvant aux siennes... tandis qu'il la faisait rouler pour prendre le dessus, la surplomber, et permettre à ses lèvres d'aborder d'autres terres. Pour de faux... il allait l'aimer pour la nuit à venir et toutes celles qui suivraient... où elle paierait pour ça. Mais rien de plus.