♣ Parles nous un peu de toi ? Que voulez-vous que je vous dise ? Premièrement, je n'aime pas les gens. Deuxièmement, je fais une exception pour ma famille. On dit parfois de moi que je suis froide, je nuancerais en disant que j'ai l'esprit pratique. J'aime les faits, les chiffres, les statistiques. Les faits ne mentent pas. Les gens si. Vous savez, c'est un peu comme dans Docteur House ? « Tout le monde ment », c'est ça mon credo. Même mon père, je l'adore, mais c'est un lâcheur.

Quand j'étais enfant, il a tout loupé. Je ne sais pas pour mes premiers pas, mais en tout cas, il n'était pas là lors de ce ridicule ballet de danse où maman m'a forcé à danser. Il n'était pas là quand je suis née non plus. Je n'aime pas l'armée. Objectivement, je comprends à quoi sert le métier de mon père, toutefois, je vis dans l'angoisse qu'il en meurt. Il y a cinq ans, j'ai décidé de le tester, j'ai fait une crise d'ado' en quelque sorte. Je voulais qu'il reste à la maison, qu'il ne parte plus. Je n'arrêtais pas de me faire du mauvais sang pour lui, connectée presque H24 aux chaînes d'infos… J'ai tenu un certain temps, puis je me suis bêtement cassé le bras et j'ai flanché. J'avais mal, alors j'ai réclamé mon père. Parce que c'est lui mon roc. D'ailleurs, si je ne sors pas avec les mecs du coin c'est parce qu'aucun d'eux ne vaut mon père. Attention, hein, ce n'est pas que j'ai un complexe d’œdipe non résolu, c'est seulement que j'ai un certain idéal et que je veux une histoire aussi belle que celle de mes parents. Pour cette raison, je n'ai jamais eu de relation qui dure plus que le temps d'une soirée. Et encore, à chaque fois je faisais ça pour frimer. Je suis d'un orgueil fou. Pas mal placé, juste exacerbé. Et je suis perfectionniste aussi. Donc comme j'aime les faits et comme j'ai pris l'habitude de me pencher sur les infos qu'elles soient télévisées ou papiers, je voudrais devenir journaliste. Je trouve que c'est un métier qui me ressemble. Il peut se faire seul, mais il réclame des ressources diverses.

Je ne reproche plus à mon père ses absences. Je vis avec mon propre fardeau, j'ai des responsabilités. Je dois m'occuper de ma famille. Et puis, ce qui est arrivé à maman… c'est un peu ma faute je crois. Mais je ne peux pas en parler à papa. Il ne comprendrait pas. Il se doute bien de ce qui se passe dans ma tête, mais la sienne est déjà pleine de problèmes. Il voit une psy au dispensaire, mais moi aussi je le connais. Il ne se soigne pas pour autant. A se demander à quoi ça sert. J'aimerais qu'il fasse ça sérieusement, au moins pour nous. Moi aussi, je devrais peut-être voir quelqu'un. Sauf que je n'aime pas les gens.

♣ Pourquoi avoir posé tes valises en Afrique du Sud ? Parce que mon père nous y a traîné quelle question !!!! J'aimais les USA, merci bien ! Enfin bon, j'y ai quand même gagné en tranquillité d'esprit, le nouveau boulot de mon père est moins dangereux que les précédents et il est plus souvent avec nous. Même si je m'occupe des deux autres comme je peux, c'est mieux pour eux. Je ne serai jamais maman, même si j'essaie de palier sur le plan pratique, je suis leur sœur. J'essaie de m'habituer à ma vie ici, mais niveau école de journalisme, j'aurais été mieux dans une faculté prestigieuse de chez nous. Bref, comme les cours sont un peu légers, je m'occupe ailleurs en même temps. De toute manière, quelque soit les bâtons qu'on me mettra dans les roues, quand j'ai décidé de faire quelque chose, je vais jusqu'au bout ! Donc je deviendrai journaliste même en étant dans ce trou. Point positif : il y a du soleil. Bon, avec ma peau de rousse, je cuis sévère, mais il paraît qu'au bout d'un moment ça devient moins visible. En attendant, je vais garder de la crème solaire à portée de main si ça ne dérange personne.