« Cameron ? Viens voir mon chéri, on a quelque chose à te montrer ! » Laissant tomber ses jouets dans le jardin, le petit garçon rallia le salon où l'attendaient ses parents à toute vitesse. Eve et Ray se tenaient tous les deux sur le canapé, tout sourire en observant un petit bout de papier qui intrigua instantanément le petit Cameron. Sa mère ne tarda d'ailleurs pas à lui faire signe et à l'installer sur le canapé entre son père et elle, avant de lui dévoiler ce papier qui était en réalité une photo. La photo d'une petite fille aux yeux bridés qui semblait avoir quelques années de moins que lui, et qui arborait un grand sourire en fixant l'objectif. « Regarde… c'est ta petite sœur, Leïla.» expliqua alors Ray à son fils, qui observait le cliché avec de grands yeux ébahis, pas certain de comprendre tout ce que ces présentations indirectes impliquaient. « Elle sera bientôt à la maison, c'est pour ça que Papa a préparé sa chambre. Tu seras son grand frère tu vois, tu devras prendre soin d'elle. Elle vient de loin tu sais, comme toi » Peu à peu, toute cette histoire devenait de plus en plus claire dans l'esprit du petit garçon. Mais au-delà du fait de devoir prêter ses jouets ou partager ses parents, c'était avant tout la curiosité qui l'étreignait, et cette impatience de rencontrer celle dont on lui parlait depuis des mois et qui allait enfin faire son apparition à la maison. Quelques jours plus tard çà peine, cette bouille qu'il avait aperçue sur la photo fit donc son entrée dans la maison familiale, timide et muette avec de grands yeux écarquillés sur tout ce qui se trouvait autour d'elle. Pendant un temps, Cameron se contenta d'observer cette nouvelle arrivante de loin puis, lorsque leurs regards se croisèrent pour la première fois, le petit garçon lui adressa un sourire en lui tendant la poupée qu'il avait choisie tout spécialement pour elle. « Tiens petite sœur… murmura-t-il timidement, alors que Leïla se saisissait de ladite poupée pour la serrer contre elle en souriant. Et dès cet instant, en la voyant si mignonne et si fragile, le petit Cameron se fit la promesse d'être toujours là pour elle quoi qu'il arrive, et de la protéger en toutes circonstances comme ses parents le lui avaient demandé avant son arrivée.


Allongé tout près d'elle, torse nu, Cameron embrassait Maxyne avec le plus de sensualité possible et en s'autorisant même quelques caresses sur son bras dénudé. Mais après quelques secondes seulement, il ne put s'empêcher de reculer et d'éclater de rire en se laissant retomber sur le matelas à côté de la jeune femme. Tout ça ne lui paraissait absolument pas naturel, et il n'avait d'ailleurs jamais éprouvé le moindre sentiment pour la meilleure amie de sa sœur. Maxyne elle-même avait été prise d'un soudain fou rire et pendant plusieurs minutes, les deux amis s'esclaffèrent en repensant à cette situation, à cette pseudo relation qui les avait liés quelques semaines mais qui au fond, n'avait jamais été sérieuse. Clairement, Cam et Max n'étaient pas faits pour ça. Ils étaient amis d'enfance, peut-être confidents par moments, mais certainement rien d'autre. L'adolescent avait mit un point d'honneur à protéger Maxyne lorsque son père avait été arrêté, et qu'elle subissait sans cesse les moqueries de ses camarades de cours. Il savait aussi être là pour elle dès qu'elle en avait besoin, mais ne pourrait jamais être ce petit ami qu'il avait prétendu être durant quelques temps. « Ok, et si on restait amis plutôt ? » proposa-t-il en essayant d'arrêter de rire, ce qui n'était pas chose facile à côté d'un Maxyne toujours hilare, qui se contenta de hocher la tête en lui balançant son t-shirt dessus. Mais alors que les deux amis commençaient quelque peu à se calmer, ce fut l'image de Leïla qui revint brusquement  l'esprit de Cameron. En réalité, et quoi qu'il veuille en penser, c'était bel et bien elle qui l'empêchait d'avoir une véritable petite amie. Car même sans parler de Max, Cameron ne s'était jamais réellement accordé l'opportunité d'aimer une fille. Comme tous les garçons de son âge il avait passé des soirées au bras de quelques adolescentes de passage, mais ne s'étai en revanche jamais engagé dans une relation de plus de quelques semaines. Car à chaque fois, ses pensées revenaient vers sa sœur, avec toujours plus de violence. Perdant finalement son beau sourire, Cameron poussa un soupir qui éveilla soudain la curiosité de sa voisine. « Quoi ? » questionna Maxyne d'un air légèrement suspicieux, alors que l'adolescent semblait déjà ailleurs, perdu dans ses songes. « Max… j'peux te dire un truc ? Quelque chose que tu ne devras répéter à personne, quoi qu'il arrive. J'peux te faire confiance ? » lâcha-t-il finalement après avoir légèrement hésité. De plus en plus curieuse, Maxyne pivota vers lui en fronçant les sourcils, et murmura : « Bien sûr Cam… tu sais que tu peux me parler de tout… » Prenant son courage à deux mains, Cameron soupira une dernière fois puis lâcha d'une traite, comme pour se soulager d'un poids bien trop lourd à porter qu'il devait subir depuis trop longtemps : « Tu vas trouver ça débile, et totalement bizarre mais… Je crois que… que j'suis amoureux de Leïla. »


Habillé de son plus beau costume, sa cravate nouée autour du cou, Cameron suivait la cérémonie d'un air distrait. Assis au premier rang, il était entouré de sa mère d'un côté et de Maxyne de l'autre, toutes deux sur leur trente-et-un avec un large sourire de circonstances scotché aux lèvres. Et pourtant, le jeune homme ne parvenait pas à arborer cette même expression. Les seuls moments où il se forçait à sourire, c'était lorsque Leïla posait ses yeux sur lui. Elle se tenait là, juste en face, sublime dans sa robe de mariée… et comme pour la rassurer, Cameron esquissait un sourire à chaque fois que leurs regards se croisaient. Mais au fond, l'africain était bien loin d'avoir le cœur à la fête. Cooper était un garçon bien et il ne faisait aucun doute qu'il saurait s'occuper de Leïla à merveille. Les regards qu'il lui lançait en disaient d'ailleurs long sur tout l'amour qu'il lui portait, et Cameron ne pouvait nier que sa petite sœur avait l'air d'être la plus heureuse des femmes dans ses bras. Mais même s'il considérait Cooper comme un ami, avec lequel il aimait passer du temps et quelques soirées entre hommes qui se résumaient par des bières et des matches retransmis à la télévision, le jeune homme ne pouvait pas complètement se réjouir de cette union. Au fond de lui, Cameron ressentait toujours cette profonde affection pour Leïla, cette affection qui allait bien au-delà de celle qu'un frère devrait éprouver pour sa sœur. Il s'était toujours refusé à mettre des mots sur ces sentiments étranges qui le tiraillaient depuis des années déjà mais en ce jour si important pour la chinoise, Cameron réalisait encore plus à quel point il l'aimait. Sa mère, qui était une des seules à être dans la confidence, s'était bizarrement toujours réjouie de savoir à quel point son fils adoptif tenait à Leïla. Et ce même s'il ne tenait pas à elle de la manière la plus conventionnelle qui soit. En effet, l'esprit on ne peut plus ouvert d'Eve et Ray les avaient poussé à encourager Cameron dans sa démarche, à le pousser à faire une déclaration à sa sœur. Mais le jeune homme n'en avait jamais rien fait, préférant garder tout ses sentiments pour lui et laisser Leïla vivre son bonheur tranquille, avec Cooper. La cérémonie durait depuis quelques temps déjà et après avoir passé toutes les traditions d'usage, vint le moment du discours final du prêtre. Ce discours dans lequel il s'apprêtait à sceller l'union de Leïla et Cooper sous le regard faussement enthousiaste d'un Cameron qui luttait en réalité pour ne pas se lever et quitter l'assemblée sur le champ. Les regards que sa mère portait sur lui se faisaient de plus en plus insistants, de plus en plus oppressants et le jeune homme devait se faire violence pour feindre de ne pas les voir, de ne pas comprendre ce message qu'elle tentait de lui faire passer. Mais soudain, le prêtre en vint à la phrase que Cameron redoutait depuis le début de la cérémonie : « Si quelqu'un souhaite s'opposer à cette union, qu'il parle maintenant ou se taise à jamais. » Cameron se figea, les yeux braqués droit devant lui pour mieux ignorer les coups de coude que sa mère lui assénait de plus en plus fort, en murmurant : « Cameron… Vas-y ! » Les sourcils du jeune homme se froncèrent, alors qu'il retirait brusquement son bras pour ne plus avoir à subir les contacts répétés de sa mère, qui ne lâcha pas l'affaire pour autant puisqu'elle poursuivi avec toujours plus d'insistance : « C'est maintenant ou jamais mon chéri… » En serrant les dents, Cameron murmura un « Maman… »  pour la faire taire, mais Eve ne l'entendit visiblement de cette oreille puisqu'elle poursuivit : « Fais-le, tu vas le regretter si tu ne lui dis pas… » Proche de la rupture, Cameron mordit l'intérieur de sa joue le plus fort possible, comme pour s'empêcher de commettre ce qu'il considérait comme l'irréparable, et souffla une fois de plus « Arrête… »  à l'attention de sa mère. «Cameron… » balbutia-t-elle, faisant cette fois exploser le jeune homme qui s'écria «MAMAN !» bien plus fort qu'il ne l'aurait souhaité. Aussitôt la totalité de l'assemblée, les mariés y compris, se tourna vers lui pour lui lancer une multitude de regards remplis d'autant de curiosité que de reproches. Pour désamorcer la situation, le jeune homme fut donc contraint d'afficher un sourire faux, prétextant que tout allait bien et que la cérémonie pouvait se poursuivre, qu'il s'agissait simplement là d'un malheureux hasard et qu'il n'avait bien évidemment rien à redire à cette union qui le ravissait et qui faisait de sa petite sœur une femme heureuse. Cameron excella visiblement dans son rôle de comédien puisqu'en un seul regard, un seul sourire, il sembla rassurer tous les invités qui lui offrirent finalement de sourires attendris et amusés avant de reporter leur attention devant eux, vers les mariés. Honteux, frustré et en colère, le jeune homme ne pur que lancer un regard désespéré en direction de Maxyne qui connaissait elle aussi son secret, puis poussa un long soupir alors que le prêtre concluait très officiellement : « Je vous déclare mari et femme. Vous pouvez embrasser la mariée…» sans que Cameron n'ait le courage ou même la force de regarder cette scène en face.  


Son plateau à la main, Cameron scrutait la cafétéria de l'hôpital dans l'espoir d'y entrevoir une connaissance avec laquelle il pourrait prendre son repas. Et alors qu'il s'apprêtait à s'installer seul, une voix se fit entendre dans son dos : « Cam ! Par ici ! » Un large sourire aux lèvres, le jeune homme prit alors la direction de la table de son amie, et s'y installa après l'avoir saluée. « Alors Sawyers, tu vas enfin me dire ce qui se trame là-dedans ? » questionna-t-il en tapotant la front du jeune homme, qui ne put s'empêcher d'éclater de rire en entamant son repas. Visiblement, elle le connaissait assez bien pour avoir deviné qu'il était de plus en plus distant avec tout ce qui concernait son job à Seattle. A vrai dire, son esprit était tourné ailleurs depuis un bon moment déjà, depuis que sa sœur s'était installée à New-York juste après son mariage. Leïla avait prit son envol, elle s'était éloigné de la maison et de leurs parents pour vivre sa vie avec Cooper et bizarrement, Cameron s'était senti un peu à la traine. Alors, il avait profité de sa titularisation en tant que chirurgien traumatologique pour emménager à Seattle et tenter, lui aussi, de vivre sa vie loin de sa sœur. Il avait travaillé dur, n'avait pas compté ses heures dans l'espoir de se changer les idées en se noyant littéralement dans le travail. Mais très vite, le jeune homme avait ressenti le besoin de s'éloigner encore plus, de renouer avec ce passé qui lui était totalement inconnu  et sur lequel il se posait pourtant tant de questions. « Tu vas nous abandonner, c'est ça ? » Haussant les épaules avec un petit sourire aux lèvres, Cameron fouilla quelques instants dans la poche de sa blouse avant d'en sortir une page de magazine déchirée sur laquelle on pouvait lire en gros titre "Giving For Africa". « J'crois que j'ai besoin d'air, j'ai besoin de partir. Il y a certainement beaucoup de choses qui vont me manquer mais… j'ai besoin de ça. Tu sais, c'est là que je suis né, et même si je n'ai presque aucun souvenir de ça, j'ai envie de retourner en Afrique du Sud. De savoir d'où je viens… » expliqua-t-il en glissant son bout de papier sous le nez de la jeune femme. « Et puis, ce centre… J'imagine que ça va être totalement différent de ce qu'on fait ici, mais c'est aussi ce qui me motive à partir. Ils ont vraiment besoin de chirurgiens… c'est le moment où jamais. »


L'ambiance était lourde, étouffante. Tout le monde était vêtu de noir et semblait se recueillir dans un silence absolu, simplement entrecoupé par quelques sanglots ça et là. Le cercueil qui disparaissait petit à petit sous terre était minuscule, témoin de l'injustice de ce véritable drame qui frappait Leïla de plein fouet. Lorsqu'il avait appris la mort de son neveu William, Cameron avait sauté dans le premier avion en direction de New-York pour venir retrouver sa sœur. Cette sœur qui se sentait coupable de l'accident qui avait coûté la vie à son fils alors qu'il n'en était rien. Cette même sœur qui avait besoin de réconfort, plus que jamais, et du soutien de toute sa famille et ses amis. Tout le monde avait fait le déplacement pour la soutenir, pour l'aider à traverser cette période difficile, alors même que personne ne pouvait ne serait-ce qu'imaginer la douleur qu'elle ressentait à cet instant précis. Chaque regard qu'elle portait vers son frère lui déchirait le cœur et pourtant, il mettait un point d'honneur à ne pas craquer. Leïla avait besoin de quelqu'un sur qui compter, pas de quelqu'un de faible qui ne ferait qu'aggraver la situation en s'apitoyant sur son sort. Posté à sa gauche pendant toute la durée de la cérémonie, Cameron n'eut de cesse de passer son bras autour des frêles épaules de sa sœur effondrée, s'étonnant d'ailleurs du fait que Cooper ne le fasse pas alors que la jeune femme fondait en larmes juste à côté de lui. Mais si Leïla était littéralement bouleversée par ce drame, Cooper lui avait plutôt l'air… ailleurs. Dès son arrivée Cameron le trouva étrangement différent, le regard fuyant, mais préféra mettre tout ça sur le compte de la tristesse et du choc que le jeune père venait de subir. Cette hypothèse aurait d'ailleurs tenu si l'africain n'avait pas surpris une conversation pour le moins houleuse entre Cooper et sa sœur, quelques minutes après la cérémonie. Cameron s'était tout d'abord abstenu d'entrer dans cette pièce où il se trouvait, ne souhaitant pas s'immiscer entre eux alors que la situation était extrêmement difficile et qu'ils avaient certainement besoin de se retrouver seuls quelques temps. Mais il ne put s'empêcher d'entendre quelques éclats de voix, et même s'il ne put distinguer les mots qui étaient échangés, ce fut finalement un geste qui le poussa à intervenir. Alors qu'il pensait que Cooper prenait enfin ses responsabilités, qu'il était là pour consoler Leïla et tenter de la soutenir au mieux, l'africain réalisa en fait qu'il s'agissait précisément du contraire. En revenant à hauteur de la porte, il aperçut le jeune homme se saisir violemment du bras de sa sœur en s'adressant à elle comme si elle était une de ses pires ennemies. « Lâche la ! » Il n'avait pas pu attendre une seconde de plus et était entré dans la pièce sans prévenir, sommant Cooper de s'éloigner de sa sœur en lui adressant un regard qui lui attestait qu'il avait plutôt intérêt à s'exécuter sur le champ. Mais sous le coup de la surprise, Cooper ne broncha pas, poussant Cameron à avancer vers lui pour le pousser violemment vers l'arrière et lui faire lâcher prise contre son gré. « Laisse la tranquille ! Qu'est-ce qui te prends ?! » Ce ne fut qu'en plongeant son regard dans celui de Cooper que l'africain commença à comprendre cet état dans lequel Cooper se trouvait. Un état second, probablement du à un trop plein d'alcool, ou de drogue. « A quoi tu joues Cooper ? T'as pas le droit de la traiter comme ça ! » Comme à chaque fois qu'il s'agissait de Leïla, Cameron avait beaucoup de mal à rester calme et avant même que Cooper n'ait eu le temps de répondre quoi que ce soit, ses poings se serrèrent. « Et elle, elle avait le droit de tuer notre fils ? Tout est de sa faute ! » hurla Cooper devant un Cameron qui perdit immédiatement patience, et lui asséna un coup de poing en pleine figure avant de l'attraper par le col de sa chemise et de le propulser contre le mur le plus proche. « Ne l'accuse plus jamais de la mort de Will, c'est clair ? C'était un accident, et tu le sais très bien ! Maintenant dégage. DEGAGE ! » brailla Cameron en poussant son interlocuteur vers le couloir avant de lui claquer la porte au nez, et de fermer les yeux quelques instants comme pour retrouver son calme. Après avoir poussé un soupir, il pivota finalement vers sa sœur, et lui offrit pour tout réconfort une longue étreinte sans avoir le courage de prononcer le moindre mot.


« Bonjour mon chéri, ça va ? » Comme toujours, Eve était à la manœuvre, en bonne place au centre l'écran et agitant la main à tout va pour saluer son fils à l'autre bout de la terre, ne laissant quasiment aucune place pour son mari Ray dont on ne distinguait qu'un bras. Depuis qu'elle avait découvert cette petite merveille de technologie qu'était Skype, la mère de Cameron ne semblait plus jurer que par elle, et il n'était pas rare pour le jeune homme d'entendre cette sonnerie reconnaissable entre toutes résonner dans sa maison. Un sourire aux lèvres pour masquer la fatigue due à de nombreuses heures passées au bloc, Cameron répondit : « Oui Maman, tout va bien. Et vous ? Est-ce que Leïla est déjà repartie ? Votre week-end s'est bien passé ? Comment va-t-elle ? » Comme si tout s'inversait pour une fois, Cameron prenait soudain le rôle qui était d'ordinaire celui de sa mère en inondant ses parents de questions. Questions qui, étrangement, portaient toutes sur sa sœur qui était venue passer un week-end à Lakewood. Et rien qu'en voyant l'expression qu'arborait sa mère, même si elle tentait de cacher son malaise, l'africain comprit que quelque chose clochait. Il fronça d'ailleurs lui-même les sourcils sans s'en rendre compte, alors qu'Eve poussait un bref soupir. « Oui, ton père l'a raccompagnée à l'aéroport ce matin. Et elle… je crois qu'il faudrait que tu l'appelles. » De plus ne plus inquiet, Cameron observa sa mère dans l'espoir d'entrevoir un quelconque indice dans ses gestes ou son attitude, mais n'eut pas la patience d'attendre plus de trois secondes, et renchérit avec empressement : « Qu'est-ce qu'il y a ? Ca ne va pas ? Qu'est-ce qu'elle a ? » Sentant l'inquiétude et presque l'agacement de son fils, Eve capitula finalement et reprit d'un air étrangement hésitant : « Tu sais, elle ne parle pas beaucoup mais… J'ai remarqué des traces… comme des coups, et je crois qu'elle voulait les cacher. Je m'inquiète pour elle, je sais que Cooper est quelqu'un de bien mais… » Cameron ne laissa pas l'occasion à sa mère de terminer sa phrase, envoyant valser une pile de papier qui trônait jusqu'ici sur son bureau sous le coup de la colère.  « C'est pas vrai ! C'est lui ! Je suis sûr que c'est lui ! T'as pas vu comme il lui parlait le jour de l'enterrement de William… il était bourré, ou drogué je sais pas… J'ai bien vu qu'il avait quelque chose de louche ! » Serrant la mâchoire en se prenant la tête entre les mains, Cameron s'accorda quelques secondes de réflexions avant de reposer son regard sur l'écran de son ordinateur et donc sur sa mère adoptive. « J'y vais. Je vais la chercher, j'peux pas la laisser avec ce type. Je prends le premier avion pour New-York et je la ramène ici. » En sachant par avance qu'elle ne pourrait pas le faire renoncer, Eve tenta tout de même un : « Cameron, tu es sûr ? Tu as ton travail là-bas… si tu veux on y va, ton père et moi. » Mais comme elle avait pu le prévoir, sa mère fut coupée par un Cameron des plus déterminés, qui lâcha simplement : « Laisse Maman. Je m'en occupe. »
Posté devant l'entrée principale de l'aéroport , Cameron faisait les cent pas en scrutant tous les taxis qui s'arrêtaient devant lui. Les voitures défilaient, les voyageurs aussi, et celle qu'il attendait n'apparaissait jamais. Mais que pouvait-elle bien faire alors que leur avion ne tarderait pas à décoller ? « Bon sang, j'aurai jamais du la laisser y aller seule… » marmonna-t-il pour la centième fois au moins, alors qu'il ne cessait de faire des aller-retour sur le parvis de l'aéroport. Leïla avait insisté pour voir Cooper une dernière fois avant de s'envoler pour l'Afrique du Sud et malgré toutes les réticences qu'il avait eues au premier abord, son frère avait finalement cédé. De toute façon, il n'avait jamais été capable de résister à son regard brillant, et Leïla le savait très bien. Elle avait donc voulu apporter les papiers du divorce à Cooper sans être accompagnée, promettant à Cameron de le rejoindre en temps et en heure devant l'aéroport pour partir définitivement avec lui. Mais plus les minutes défilaient, et plus le jeune homme doutait de la sagesse de cette décision qui l'avait poussé à accepter qu'elle s'aventure seule auprès de son mari. Qui serait d'ailleurs très prochainement son ex-mari, et ce pour le bien de tout le monde. Comment Cameron avait-il pu être aussi stupide ? Au point d'accepter de l'attendre seul ici, impuissant, sans avoir la moindre idée de ce qui se tramait au sein du couple Warren ? Une telle inquiétude montait peu à peu en lui que l'africain s'accorda deux minutes d'attente supplémentaires avant de sauter dans le premier taxi qui se présenterait, et de foncer retrouver sa sœur. Mais fort heureusement pour elle comme pour lui, un énième véhicule s'immobilisa à sa hauteur et alors qu'il plissait les yeux pour apercevoir le passager, Cameron distingua sa sœur et poussa un soupir de soulagement. Elle était là. Prête à partir avec lui, prête à tirer un trait sur sa vie avec Cooper et tout ce que cela représentait pour elle. Bien sûr, le jeune homme savait que le chemin serait long, et les larmes qui avaient visiblement coulé sur les joues de Leïla étaient là pour en témoigner. Mais désormais, il était là pour elle, comme il l'avait été à chaque moment de leur enfance et de leur adolescence. Et même si Cameron s'était résolu à prendre ses distances au moment où sa sœur avait épousé Cooper, il réalisait aujourd'hui à quel point cet éloignement avait été une erreur. Elle avait besoin de lui, tout comme il avait besoin d'elle. Et alors qu'elle s'extirpait du taxi après avoir payé la course, Cameron fonça vers elle pour la serrer dans ses bras sans vraiment lui laisser le choix. Sous le regard médusé du chauffeur qui lui tendait la valise de sa sœur, l'africain resta ainsi immobile quelques instants, se fichant pas mal de faire attendre l'homme qui s'impatientait pourtant déjà. « T'en as mis du temps… J'allai venir te chercher ! » murmura-t-il, avant de déposer un baiser sur la tignasse de Leïla puis de s'éloigner légèrement pour capter son regard encore légèrement embué. « C'est fini… ça va aller maintenant. Je suis là. » assura Cameron en offrant à sa sœur un petit sourire qui se voulait rassurant. Puis il se détacha complètement d'elle et attrapa sa main, débarrassa le chauffeur agacé en récupérant sa valise et prit le chemin de l'aéroport, entrainant sa sœur avec lui en lui adressant un nouveau sourire et en murmurant :  « On s'en va. » tout en pressant le pas, plus pour éloigner sa sœur de cette ville au plus vite que pour réellement arriver à temps au guichet d'enregistrement.