« Leighton ! Je peux savoir ce que tu fiches ici ?!» Ma protégée (plus ou moins imposée) avait séché son travail de bénévolat, on m'avait donc téléphoné au dispensaire pour que je parte à sa recherche. Et voilà que je la retrouvais en plein centre ville. Heureusement qu'il faisait plein jour parce que j'étais mieux placée que quiconque pour savoir combien la ville pouvait être dangereuse une fois la nuit tombée. Leighton n'ayant aucune notion de ce qu'était la discrétion, je l'avais assez facilement retrouvée. Un bon téléphone portable avec un localisateur et la jeune fille était dans ma ligne de mire. Je ne comprenais toujours pas pourquoi on me l'avait mise dans les pattes. Enfin, si, je sais. Comme j'étais comme elle au même âge et que je m'étais calmée de manière drastique, forcément, on pensait que je pourrais l'aider à changer. Et je mettais du cœur à l'ouvrage, mais on ne pouvait pas dire que Leighton se montre particulièrement réceptive. Elle ne voyait pas l'intérêt de changer, elle se trouvait très bien comme elle était dans sa superficialité. Si elle savait tous les ennuis que ça pouvait apporter ! Personnellement, j'avais payé le prix fort.

« Tu sais que si tu lâches tes tâches au centre comme ça, je vais te couper les vivres ? » Je prononçais cette phrase avec lassitude. Leighton avait été privée d'une partie de ses ressources financières histoire de lui apprendre la vraie vie. Au vu des coûts en Afrique du Sud, même comme ça, elle était loin d'être pauvre, mais on m'avait donné l'autorisation de lui couper son 'argent de poche' si elle ne se comportait pas bien. Et m'obliger à enclencher sa balise GPS pour la retrouver alors que j'avais du boulot, ça faisait parti de ce que j'appelais un mauvais comportement. Comme elle était assise dans un genre de bar, je me mis en face d'elle et je me commandais à boire, de l'alcool. Pas parce que j'avais particulièrement envie de boire alors que nous étions l'après-midi, mais parce que je me méfiais de l'eau et autres jus de fruit dans les endroits que je ne connaissais pas. C'était mon seul problème dans le coin, j'aimais bien l'hygiène et tous les établissements n'étaient pas égaux à ce niveau (cela étant dit, on pouvait sûrement tenir le même genre de propos à Londres, c'était juste que là-bas, je fréquentais systématiquement les mêmes endroits).

« Dis-moi, qu'est-ce que tu as contre le bénévolat exactement ? Le coin est plutôt joli et exotique, et on n'a pas chargé énormément ton planning. Tu pourrais faire plein de rencontres sympas si tu t'en donnais un peu la peine. » Je n'aimais pas le ton moralisateur de ma voix qui n'était pas sans me rappeler celui de mes parents, mais bon, je ne voyais pas quoi lui dire d'autres. Je ne pouvais pas lui permettre de continuer à se comporter comme une petite garce superficielle. Ici, on vivait en communauté et on devait accomplir un travail. Certes, elle était là contre son gré, mais il était égoïste de sa part (encore plus que d'habitude j'entends) de nous laisser tous tomber pour simplement aller se promener (toute seule en plus de ça, elle cherchait quoi ? À faire un bon selfie?). J'avais vraiment du mal avec Leighton, elle ressemblait à celle que j'étais avant Samuel, et en même temps, j'avais l'impression qu'en dépit de ça, j'étais dans l'incapacité de communiquer avec elle. Je devrais peut-être demander à Noah de s'y coller juste une fois, pour voir. C'était peut-être simplement que j'étais devenue trop vieille, non ?